Négligence médicale : « Je m’en vais mourir à Laquintinie »

Article : Négligence médicale : « Je m’en vais mourir à Laquintinie »
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19 mars 2016

Négligence médicale : « Je m’en vais mourir à Laquintinie »

Les médecins, sages-femmes et infirmiers manquent parfois de sérieux dans l’exercice de leur profession dans cette structure sanitaire camerounaise basée dans la métropole économique. D’où le pire à répétition.

Au moment où la foule s’apprête à manifester ce dimanche 13 mars 2016 devant l’hôpital Laquintinie de Douala, je suis dans les parages. Je suis juste assis à côté des policiers qui prennent un pot dans un snack-bar sis en face de cette structure sanitaire. Dans ce groupe d’hommes en tenue, une policière, lunette aux yeux en chemise bleue ciel et pantalon bleu foncé, mange un poisson braisé. De sa poche, elle sort un téléphone portable qu’elle met en marche pour montrer la vidéo de l’horreur qui s’est déroulé au sein de cette institution samedi 12 mars 2016. La vidéo donne la nausée à la policière. Elle se refuse de la regarder de nouveau au moment où elle mange son poisson.

Ces collègues, assis juste à côté de moi, ont la chair de poule après avoir regardé cette vidéo amateur. Dans celle-ci, on voit Rose Tacke en train de pratiquer une chirurgie en plein air sur la défunte Monique Koumatéké, étalée en même le sol. Elle est entourée d’une foule furieuse, mais impuissante. Le sang gicle. Mais Rose Tacke tient bon. Son seul but : sauver les jumeaux de dame Koumatéké. Elle réussi à ouvrir le ventre de Monique et à retirer le premier bébé. Mais il est mort. Le second également. Rien n’y est fait. Les jumeaux ont rejoint leur mère dans l’au-delà. Rose Tacke fond en larme sous le regard de la foule et du personnel de l’hôpital en question.

La mère enceinte éventrée transportée par des infirmiers
La mère enceinte éventrée transportée par des infirmiers

L’indignation des policiers

Les policiers qui voient cette scène à travers le Smartphone de leur collègue, n’en reviennent pas. Je suis également choqué. Du coup, chacun d’eux remet au gout du jour sa mésaventure dans cette institution sanitaire. Décidément, chacun d’eux à un mauvais souvenir de l’institution médicale. « Mon frère, me raconte un officier de police, moi-même, j’ai un triste souvenir de cet hôpital. Ma femme a mis au monde des triplés ici. Elle a bien accouché. Et les infirmiers m’ont annoncé la bonne nouvelle. Je m’attendais à un seul enfant. Mais quand ils m’ont dit qu’il y en avait trois, j’étais très content. J’ai acheté les codes que l’hôpital exige sans problème. Etant dans le taxi pour aller faire la layette des deux autres enfants, j’ai reçu un coup de fils m’annonçant que les trois bébés sont tous morts quelques minutes plus tard. Je suis resté glacé dans le taxi », rapporte l’officier.

« Vous vous rappelez, se souvient un autre homme en tenue, de l’officier qui avait arrosé toute une salle d’accouchement de balles parce que sa femme était morte en travail ? Le monsieur, après avoir tué ces infirmiers qui n’ont pas pu sauver son compagne à cause de leur manque de sérieux, s’est aussi donné la mort. C’est vraiment lamentable », s’indigne mon voisin de table. Les anecdotes similaires sont légions au sein des hommes en tenue au Cameroun.

Le mouroir des fœtus

Chez les civils également j’ai rencontré Paul M, dans son bureau cette semaine. Il se souvient encore de ce samedi noir. En 2003 précisément «ma copine était enceinte. Elle a eu des contractions. Nous étant déportés à Laquintinie pour qu’elle accouche, elle a perdu le bébé du fait de la négligence des infirmiers accoucheurs », m’explique le journaliste, avant d’ajouter: « La poche des eaux s’étant percée, il fallait rapidement faire sortir l’enfant. Mais à sa grande surprise, on lui a demandé d’entendre encore un peu. C’est au moment où elle a commencé à se plaindre de la lourdeur de son ventre que les infirmiers se sont animés. Mais hélas, notre fille était morte, étouffée ».

Plus jamais ça
Plus jamais ça

Après le décès du fœtus « j’ai été si révulsé par cette négligence que j’ai porté plainte contre ce médecin de l’hôpital. Mais c’est ma belle-mère qu’il m’en a dissuadé en me faisant comprendre que c’est Dieu qui donne la vie et que je remette tout entre ses mains. Cela m’a fait très mal, tellement ma copine et moi attendions la venue de ce bébé qui allait changer le cours de nos vies», regrette le Camerounais. Son histoire comme celle de Monique Koumatéké me donne des frissons et me laisse croire que les hôpitaux de mon pays sont des mouroirs permanents dans un Etat où il y a tout un département ministériel qui est censé s’occuper de la santé des camerounais

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