Non, les selfies n’apportent rien aux start-ups numériques camerounaises
Nos autorités se plaisent à se filmer avec les jeunes créateurs de richesse de chez moi, alors qu’ils les clochardisent, les délaissent et les privent de la connexion internet.
Depuis mon Douala natal, je m’interroge sur l’avenir de mon cher pays. Ce pays que j’aime tant. Celui que m’ont légué nos nationalistes. Pour faire court, ce pays tue les jeunes. Il tue ses génies pour être plus précis. Sur tous les points. J’ai mal de voir que ceux qui nous gouvernent se moquent de notre futur. On dirait qu’ils sont allergiques à la bonne gouvernance. Aux bonnes pratiques, je veux dire. Les mauvaises pratiques ont la peau dure. Elles surfent même sur les réseaux sociaux.
Je ne comprends pas comment le Ministère des Postes et télécommunications (Minpostel) se sent après avoir privé les régions anglophones de la connexion Internet pendant trois mois. Est-ce qu’il s’est mis dans la peau de ces jeunes patrons de start-ups de Buea?


Je ne crois pas. Il se permet même de se moquer de ces frères qui excellent dans le numérique au pays. Le premier Forum international de Yaoundé sur l’économie numérique, tenu du 15 au 17 mai dans le prestigieux hôtel Hilton, a permis de relever les limites de nos dirigeants dans ce domaine.
Pendant la rencontre, Rebecca Enonchong, la patronne d’ActivSpaces, un centre d’innovation technologique, ne s’est pas privée de dire ce qu’elle pense de ce grand rendez-vous qui a plus misé sur les invités étrangers que nationaux. Pour cette brave dame qui lutte depuis les années pour le développement du digital au bercail, les génies camerounais ont amusé la galerie lors de cette conférence.
Entre les mains des vieillards, notre économie numérique est en danger
Je pleure le sort de ce pays après le chef de l’État actuel. Je pleure pour la future génération qui croira certainement que l’économie numérique, c’est les selfies. Tellement nos ministres aiment faire des selfies depuis que leur boss a donné l’onction avec les Lions indomptables (tout commence avec les lionnes), champions de la dernière Coupe d’Afrique des nations de football.


Pour revenir sur le Forum de Yaoundé, je doute fort qu’il porte des fruits dans les prochains mois. Jean Pierre Boep, un acteur influent de l’économie numérique que j’ai rencontré cette semaine à Douala, est du même avis que moi. « L’heure n’est plus au discours, aux conférences et aux grands débats. Les acteurs locaux de l’économie numérique camerounaise, qui travaillent au quotidien sur les problématiques du terrain, sont assez sensibilisés sur les enjeux et les stratégies à mettre en œuvre. L’état gagnerait donc à s’appuyer sur eux et à développer des projets concrets qui impactent le quotidien des camerounais », pense le promoteur de la Nuit du Web.

Qu’il le veuille ou pas, le Minpostel sait très bien que l’économie numérique se fera avec les acteurs locaux. Pas forcément avec les invités étrangers qui ont été pris en charge à Yaoundé, alors que les jeunes entrepreneurs locaux croupissent dans la misère.
J’espère que j’arriverai un jour à rédiger un billet dans lequel je féliciterai les actions de nos dirigeants. Mais on dirait que les proches collaborateurs du président de la République, Paul Biya, font tout pour me pousser à croire qu’il n’y a que des cancres à la tête des différents départements ministériels. Des gens qui n’ont pas de compte Facebook, Twitter officiels et sites Web actualisés. Encore moins de blogs dans lesquels ils expliquent leurs actions aux populations. C’est triste de le dire, mais je crois que les grosses annonces sur l’économie numérique ne s’accompagnent pas par des actions concrètes sur le terrain. C’est du blabla. Combien de jeunes startuppeurs ont bénéficié du soutien des pouvoirs publics? Ils sont très rares. Pourtant le terrain est fertile. Je comprends pourquoi Tony Smith a de la peine à investir chez ses ancêtres.
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