Sénégal : le joug d’un talibé
Au lieu de leur apprendre un vrai métier, ils sont formés à la mendicité, sous le regard impuissant du gouvernement sénégalais.
Ce dimanche 29 novembre, me voici dans les rues de Patte d’Oie à Dakar. Accompagné de quelques collègues Mondoblogueurs de plusieurs nationalités, je sillonne le coin, question de m’y adapter. On marche en groupe pour ne pas se perdre.
Vers un marché, sis non loin de l’espace Thialy, où nous sommes logés, j’aperçois un groupe de gamins. Tous sales. Un peu comme ces sans domiciles fixes (Sdf) qui inondent les rues de Douala. La bande attire aussitôt mon attention. Du coup, je me demande comment ces nangas boko ( enfants de la rue), comme on les appelle au Cameroun, ont fait pour arriver à Dakar avant moi, au point de se lancer dans leur activité quotidienne ?
Ils sont forcement venus à pied, parce qu’aucun pilote ne peut accepter de tels passagers abords de son avion. Encore qu’ils n’ont ni passeport, ni visa, encore moins un billet d’avion.
Curieusement, au lieu de se reposer après la longue marche qu’ils ont effectuée, les gars contrattaquent déjà. Mais que font-ils à Dakar avec des petites assiettes en main ? C’est bizarre ! Généralement, nos nangas boko n’ont pas besoin d’un tel outil pour tacler. Juste un petit couteau ou lame de rasoir et le tout est joué. En plus, nos « boys » ne sont pas si minuscules. Ce sont des gaillards qui ont des lèvres noirâtres. Le style que certaines nanas du même système aiment croquer. Ils marchent généralement au ralenti après avoir pris une bonne dose de chanvre indien. Mais ces bébés de Dakar qu’on appelle talibés, n’ont rien de nos « boys ». Si naïfs, ils ne peuvent pas encore leur rivaliser. Peut-être dans les prochaines années, s’ils font beaucoup de bébés talibés dans les rues. Mais pour que la reproduction soit possible, il faut aussi des meufs talibés, pas forcement belles.
Un drôle de business
Durant mon séjour dakarois, ces gosses assez particuliers ne m’ont pas abordé pour me quémander les sous. Certainement parce que je ne m’exprime pas en wolof comme eux. Mais ma principale préoccupation est de savoir, pourquoi le gouvernement sénégalais autorise que ces enfants fassent de la mendicité leur principale source de revenu? A cette question, Aristide Honyiglo, le philosophe togolais de la formation Mondoblog 2015, m’explique que cette pratique est une tradition dans le pays de Senghor. Talibé. Jusqu’ici, je ne sais pas à quoi renvoie ce drôle de nom. C’est plus loin que je saurai qu’il s’agit des enfants issus des familles pauvres qu’on initie dans la mendicité très jeunes.
Ils ont des maîtres coraniques pour qui ils travaillent. Ces derniers les envoient dans les rues pour « se chercher » avec des petites assiettes en main. Ça ferait partie de leur formation. Leur tranche d’âge varie généralement entre 5 et 15 ans. Pauvres gosses ! Ils n’ont pas droit à l’éducation de qualité comme tous les autres enfants de leur âge. Tous ce qu’ils savent faire, c’est courir après les passants, pour espérer obtenir d’eux quelques pièces de monnaie. Ils ne vivent que de ces dons. En 2010, le nombre des enfants talibés du Sénégal était estimé à 50 000 par l’ONG Human Rights Watch.. Ces gosses se distinguent des autres par leur mode de vie très peu recommandable. Premièrement, il faut savoir qu’ils se déplacent en groupe, portent tous des habits parfois troués, qui n’ont presque jamais été lessivés. Pieds nus, ils parcourent toute la ville de Dakar à la recherche des sous, pendant que les autres enfants sénégalais de leur âge vont tranquillement à l’école.
Didier Ndengue
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