Drogue et délinquance juvénile : j’ai fait un détour à « Babylone »

Article : Drogue et délinquance juvénile : j’ai fait un détour à « Babylone »
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1 février 2017

Drogue et délinquance juvénile : j’ai fait un détour à « Babylone »

Je les ai aperçus de mes propres yeux. Ils sont installés le long du drain de Bonadibong. Ils y sont encore jusqu’à présent. Ils fument le chanvre indien en plein air, sans que ça ne gêne personne.

Tout passant qui emprunte cette voie pince son nez, de peur d’aspirer les odeurs que cet endroit dégage. C’est un exercice que font régulièrement ceux qui sont allergiques aux odeurs du chanvre indien et du cannabis, comme moi. Après un crochet au marché Congo de Douala ce mardi 31 janvier 2017, je décide de passer par Bonadibong, situé entre les quartiers Bali et Akwa pour arriver à Nkongmondo. A partir de Nkongmondo, je peux facilement emprunter une mototaxi pour arriver chez moi. Par curiosité, je décide de passer par le drain qu’on vient de bâtir dans le coin.

A distance, j’aperçois un groupe de jeunes rastas, aux allures de Bob Marley, qui sont installés le long du drain. Du côté droit, il y a un grand mur qui les sépare des dealers. Un gros trou a été fait sur ce mur. C’est à travers ce trou que les deux parties communiquent. « Je veux la thaïe, donnez moi la thaïe», vocifère un jeune homme visiblement affaibli, penché sur le mur. Il est impossible de voir la face de son interlocuteur.

« Bob Marley, l’icone des rastas. Wikicommons

Je n’ose même pas m’approcher de ce trou. Après avoir acheté sa pilule thaïe, le jeune homme va prendre place à côté de ses potes. De sa poche, il sort une feuille blanche dans laquelle il verse son produit, qu’il va rouler sous forme de cigarette. Le jeune homme arrache le briquet de la main de son voisin, et allume aussitôt son joint. Il tire une première, puis une deuxième fois, avant de rire aux éclats.

« Hum, man le way si est bon zouska », se réjouit-il. Pas de bruit dans le coin, il parait que les consommateurs de drogue n’aiment pas être dérangés quand ils sont en action. Par contre, ils aiment étouffer les lieux avec leur fumée qui pollue l’atmosphère. Le drain de Bonadibong pue le chanvre indien.

Bouche bée, je me faufile entre ces toxicomanes. « Yah man, la montre du gars ci est nyanga hein !!!», lance l’un d’eux, en direction de la montre que Malick, un ami bijoutier vient de m’offrir. En entendant ces propos, je commence à accélérer le pas, tête baissée. Heureusement que le mec ne s’est pas approché de moi, certainement parce qu’il y avait une nana qui lui caressait les rastas. Cette nana, très grande et très belle, a aussi des lèvres noires comme son compagnon. Qui se ressemble s’assemble n’est-ce pas ? De toute façon, je ne me mêle pas de la vie d’un pareil couple !

Quand les dealers rodent dans les marchés

« Le vol rime avec la drogue », cette phrase d’un ami est revenue dans ma tête au moment où je traversais le drain de Bonadibong hier. Tout est maintenant clair dans ma tête ! A un jet de pierre de ce lieu occupé par les consommateurs de drogue, il y a « Ancien troisième », le plus vaste marché de l’électronique de la capitale économique camerounaise. Ici, le consommateur peut avoir tout type d’appareil qu’il désire en quelques minutes seulement. On peut également faire réparer son appareil ici. Je vous conseil beaucoup de précautions lorsque vous vous rendez en ce lieu. « Il y a certains réparateurs ici qui sont comme des fumeurs de chanvre. Ils volent ton téléphone et te donne un pourri avec une coque neuve », rapporte une victime.

« Les jeunes camerounais passent plus de temps dans les salles de jeux. CC Flickr

Ce qui m’intrique, c’est la présence des fumeurs de chanvre indien et dealers autour des marchés de Douala. Avant de prendre leurs quartiers à Bonadibong, ils étaient très présents au quartier Makéa, dans le deuxième arrondissement. Makéa est également situé entre plusieurs marchés. Je me souviens qu’il y avait un coin dans ce bidonville qu’on avait surnommé la « Colombie », en hommage à la vraie Colombie, où le joint se consomme comme des petits pains.

En principe, les consommateurs de drogue ne dérangent pas. Mais quand ils trouvent une occasion de te frapper, ils le font sans pitié. Ça me rappelle l’époque où mon frangin Papous était encore plongé dans cet univers. Son lieu de prédilection était le marché de poissons de Youpwé (Douala 2). Le gars consommait le chanvre et la cocaïne comme s’il bouffait le couscous de maïs, avec les feuilles de manioc. La seule différence est que le couscous donne des kilos, pendant que l’autre fait maigrir.

Je l’aimais tellement, mon frangin ! Je suis même allé lui dire de renoncer à cette vie, mais le mec me jurait par tous les dieux qu’il ne prenait ni la cocaïne, ni le chanvre indien. Alors qu’il prenait jusqu’au tramol. Tout sur lui prouvait le contraire de ce qu’il me disait. Je me souviens même qu’il m’avait piqué mon téléphone portable Nokia (écran bleu). Aujourd’hui, il se limite à la cigarette et au chewing-gum.

La drogue à portée de main

Dans un coin de mon quartier, les jeunes dont la tranche d’âge varie entre 15 et 25 ans, passent tout leur temps à jouer au poker. Après les cartes, d’autres misent sur le pari sportif. Je les retrouve également dans des salles de jeux vidéo. Plusieurs collégiens et lycéens zappent même les cours pour ces jeux. J’ai constaté que c’est dans ces milieux qu’ils apprennent à goûter non seulement à la cigarette, mais aussi aux choses plus dangereuses.

Je ne parle pas des choses que je ne connais pas hein ! J’ai grandi dans un coin chic qu’on appelle « Bonapriso ». Les principales préoccupations des jeunes d’ici, étaient l’école et le football. Beaucoup s’intéressaient aussi au vélo. Tout a basculé le jour où un homme d’affaires a eu la merveilleuse idée d’ouvrir une salle de jeux au carrefour « Armée de l’air ».

« A cause du manque d’encadrement, les enfants peuvent devenir des criminels. CC Pixabay »

Cette salle de jeux a attiré plusieurs jeunes des autres quartiers qui étaient déjà très avancés dans la consommation de drogue et la délinquance juvénile. Ces derniers se sont mélangés aux jeunes de Bonapriso.

Quelques années plus tard, plusieurs jeunes de ma génération ont commencé à tenir tête à leurs parents. L’école ne les intéressait plus. La salle de jeux était devenue leur passe-temps favoris. Les choses ont pris une autre tournure. Les enfants ont créé des gangs. Ils ont opéré des braquages à main armée. Plusieurs ont même monté des coups contre leurs parents. L’année dernière par exemple, mon petit « Bonny », un adorable petit frère que j’aimais à l’époque, a été bastonné et tué « par son père », selon les médias locaux. Il se raconte au quartier que Bonny était devenu dangereux pour ses parents, a qui il soutirait beaucoup d’argent. Hormis ce petit frère, plusieurs ont été tués à Bonapriso à cause du vol, pendant que d’autres séjournent actuellement dans les geôles de la prison centrale de Douala.

Veuillez sur vos anges  

J’ai pris ces exemples parmi tant d’autres pour inviter les parents et tuteurs camerounais à s’occuper de leurs enfants. Ils sont un peu trop à la merci du diable. Il faut savoir avec qui vos enfants traînent et où ils vont. Quel type de musique écoutent-ils ? Quel bouquin lisent-ils ? Que regardent-ils à la télévision et sur quels réseaux sociaux surfent-ils ? Choisissez toujours le meilleur pour vos anges. Si vous ne souhaitez par les perdre, je vous suggère de veiller sur eux, sans toutefois les mettre mal à l’aise.

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