FMI : Quand Christine Lagarde met en garde, on gagne quoi ?

Article : FMI : Quand Christine Lagarde met en garde, on gagne quoi ?
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10 janvier 2016

FMI : Quand Christine Lagarde met en garde, on gagne quoi ?

En visite de travail dans la sous-région Afrique centrale, la semaine dernière, la patronne de l’institution de Breton Woods a conseillé aux dirigeants de la zone Cémac de bien gérer leurs ressources financières. Après son départ, ces gaspilleurs de fonds vont sans doute reprendre leurs mauvaises habitudes.
Les mauvaises habitudes ont la peau dure dans la sous-région Afrique centrale. Plus précisément dans les six pays qui constituent la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (Cémac). Avec ses près de 45 millions d’habitants, cette zone est l’une des plus pauvres de la planète. Pas parce qu’elle manque de richesses, mais parce qu’elles sont gérées par des gens, qui en réalité, ne se soucient pas réellement de son épanouissement.

Largade remettant un don de 4,5 millions de FCFA  à un orphelinat  de Douala
Lagarde remettant un don à un orphelinat de Douala

Les noms qui sauvent
C’est un peu comme un gigolo, qui aime une femme juste pour sa fortune. Après l’avoir ruinée, il part à la recherche d’une autre proie facile. Mais dans le cas d’espèce, en Afrique centrale, tout est plombé non seulement à cause de l’insécurité qui règne dans certains Etats, mais aussi parce que des clans se sont accrochés au trône juste pour se remplir les poches et enrichir une minorité de personnes. Ils enrichissent leurs amis et proches qui les ont soutenus pendant leurs moments difficiles. Pendant leurs moments de conquête du pouvoir, je devrais dire. Et quand même ceux-ci n’y sont plus, ils ressuscitent leurs noms. On cherche son enfant, petit-fils ou son arrière petit fils qu’on place à un poste de responsabilité très juteux de la République, pour récompenser les efforts de son ancêtre. Mais ce dernier doit avoir le même nom de famille. Dans le pire des cas, il sera viré avant 24h.

La Dg du FMI danse avec les enfants camerounais
La Dg du FMI danse avec les enfants camerounais

Vous verrez même que chez nous au Cameroun, certains noms de famille sont plus importants que d’autres. Si votre enfant porte, prenons un exemple banal, le nom « Atangana », sachez d’office qu’il est béni, aux examens comme dans la fonction publique. Même « Owona » ou « Amougou » passent aussi sur le marché. En tout cas, les vrais camerounais savent très bien que dans les dix régions de notre pays, seuls certains noms ont droit aux honneurs, pendant que d’autres portent leurs valises d’argent.
Mieux, ces porteurs de coffres forts sont souvent payés en monnaie de singe. Ils n’ont même pas un contrat de travail. Pendant ce temps, leurs patrons élèvent des gratte-ciels dans les villes comme dans leurs villages. Les gars prennent bien soin d’achever leurs constructions avec les meilleurs techniciens. Généralement, ils construisent avec des matériaux importés, sans une silhouette d’un homme de média à côté pour immortaliser la scène. Quand il s’agit maintenant de financer la construction d’une route dont le budget a déjà été voté, on joue au bandit. Avant même de lancer les travaux, on invite tous les « vrais » médias à venir filmer nos accords de partenariat avec l’entreprise qui « a gagné » le marché.

Juste parce qu’on veut montrer aux bailleurs de fonds, à travers les articles de presse, reportages télé, et radio, qu’on utilise bien l’argent mis à notre disposition. Mais sur le terrain, c’est le bricolage total. On ne sait même pas si les routes qu’on aménage en saison sèche supporteront les premières pluies.
Et pourquoi ces gros malins ne filment pas aussi leurs chantiers privés et ne justifient pas la provenance de leurs financements ? Voilà un exemple de choses qui devaient normalement intéresser la patronne du FMI pendant sa visite de travail au Cameroun.

Christine Lagarde et le gouverneur de la région du  Littoral
Christine Lagarde et le gouverneur de la région du Littoral

Christine Lagarde met en garde
Pendant donc son séjour à Yaoundé et à Douala, la directrice générale du FMI a diplomatiquement remonté les bretelles aux dirigeants du Cameroun. Elle les a conseillés de changer leur manière de faire les affaires ou d’inciter les investisseurs étrangers. La preuve, notre pays figure toujours parmi les mauvais élèves dans les classements mondiaux liés aux climats des affaires. Mais on se débrouille quand même depuis quelques années au point où on a même du mal à lire les indicateurs comme ceux du « Doing Business » de la Banque mondiale. Quand on perd dix places, certains croient qu’on en a gagné dix. Et vice-versa.
En réalité, le Cameroun et certains de ses voisins courent dans le sac. En matière des affaires, l’approche du Cameroun n’est pas bonne, selon Christine Lagarde. Dans la foulée, alors que Paul Biya et sa bande se vantent d’être sur plusieurs chantiers à la fois, pour atteindre leur fameuse émergence en 2035, la gardienne du temple de Breton Woods est plutôt sidérée. Les multiples chantiers des « biyaïstes » la laissent à 37. En plus, on ne sait même pas si ceux qui les pilotent seront encore des nôtres en 2035. Pour la patronne du FMI, le mieux serait de procéder étape par étape. Chantier après chantier. C’est trop bête d’embrasser tout à la fois hein ! En tout cas, après le départ de Christine Lagarde, je suis sûr que les gars de Paul Biya, aussi têtus qu’ils sont, ne vont mettre aucune de ses recommandations en pratique. Je vous prends à témoin !

Lagarde et Biya
Lagarde et Biya

Un pays terrible
On a tout pour réussir au Cameroun, sauf la bonne foi. Que des charognards pour gérer les biens du pays. Ils élaborent des lois, et ils sont les premiers à les violer. D’abord même qu’ils n’appliquent que les alinéas qui les intéressent. En 2014, j’ai croisé une responsable d’une banque européenne dans les couloirs d’un hôtel à Douala. Elle revenait d’une réunion avec les banquiers camerounais. Comme en diplomatie on ne dit pas souvent ce qu’on pense réellement avec les mots qu’il faut, elle a mâché la bouche pendant la séance de travail avec « les brillants banquiers camerounais ». Mais dans son langage, j’ai compris que cette dame n’était pas à l’aise dans le mensonge. L’hypocrisie n’était pas trop son truc. Mais elle le faisait seulement au nom de la diplomatie économique.

Lagarde et Biya à Yaoundé
Lagarde et Biya à Yaoundé

Après la réunion, on s’est retrouvé et je lui ai posé une question digne d’un enfant du pays: Madame qu’est ce que vous pensez réellement de la gestion des fonds que votre institution met à la disposition du Cameroun pour son développement ? Elle m’a répondu qu’elle était dépassée par cette situation. Mais laquelle situation ? Pour elle, il est inamissible et inacceptable d’octroyer par exemple 500 millions d’euro à un partenaire (Cameroun) pour financer ses projets de développement et qu’il ne le fasse pas. Les banques refusent les prêts aux porteurs de projets. Et les banquiers sont contents d’annoncer pêle-mêle que la surliquidité bancaire plombe l’économie du Cameroun. A qui la faute ? Aux multiples procédures à remplir pour obtenir les fonds ou aux porteurs de projets ?

Didier Ndengue

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