Devoir de mémoire : Le Cameroun oublie ses martyrs

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19 mars 2015

Devoir de mémoire : Le Cameroun oublie ses martyrs

Le Cameroon People’s party propose de corriger le manquement.

 
Avant de s’islamiser après les émeutes de la faim de février 2008, Zene Hamed Saïde était un fervent croyant. Mais les conditions de vie en ont décidé autrement. Même après avoir renié sa religion initiale, sa vie ne s’est pas améliorée, comme il l’espérait. Et pourtant, il faisait partie de ces jeunes qui ont grondé dans la rue, le 28 février 2008, pour revendiquer de meilleures conditions de vie. Cette marche a plutôt fait l’objet « d’une répression policière » qui a coûté la vie à plus de 150 jeunes sur le triangle national, selon les chiffres du Cameroon people’s party (Cpp). Mais les sources officielles ont curieusement dénombré une quarantaine de jeunes tombés entre le 23 et 28 février de cette année noire.

 

Cette date douloureuse a laissé une grosse blessure qui n’a jamais été panser. Aujourd’hui âgé de 31 ans, le Camerounais se souvient toujours de Zene Simo Franck, son frère cadet porté disparu pendant les émeutes de la faim sur le pont du Wouri, à l’âge de 21 ans. A la veille de ce drame, « j’étais au marché Dakar pour faire des courses. C’est alors que j’ai croisé le député Nintcheu en train de se battre avec la police. J’ai également trouvé la police à l’Armée de l’air. Finalement, je suis arrivé à Déido à 19 heures 30 minutes pour emprunter un taxi pour Bonabéri », se souvient-il, comme si c’était hier. C’est finalement aux environs de 22 heures 45 minutes qu’il atteindra « Mabanda », son coin de résidence. Où les jeunes étaient déjà dans la rue pour dire leur ras-le-bol. « Je suis aussi entré dans la marche, mais je me suis arrêté au niveau du cimetière. Mon frère cadet et ses amis ont continué jusqu’au pont du Wouri », où ils auraient trouvé la mort.

 

A en croire le Cpp, plusieurs corps sans vie ont été pêchés de ce fleuve qui sépare Déido de Bonabéri. Sept années après, et le corps du jeune Zene Simo Franck n’a toujours pas été retrouvé, malgré les multiples cris de détresse et avis de recherches lancés par sa famille. Meurtris, les proches du disparu sont toujours inconsolables, mais déterminés à lutter pour achever l’œuvre entamée par ce dernier en 2008. « Le deuil sans corps que nous avons fait en 2013 marquait l’arrêt des recherches. Mais j’ai décidé de continuer à combattre pour que les droits des populations soient respectés », explique Zene Hamed Saïde.

 
Recoller les morceaux éparpillés

 
Des gens comme Zene Hamed Saïde, Le Cameroun en a connu jadis pendant la guerre d’indépendance. Et tous ou presque ont publiquement été exécutés par les colons. Aujourd’hui, le pouvoir de Yaoundé, héritier de cette révolution historique, menée par « King Pass All » de Malimba, Duala Manga Bell, Chef Mbartoua de Bertoua, Ruben Um Nyobé, Félix Moumié, Ernest Ouandié, Gertrude Omog, Abel Eyinga, entre autres, semblent accorder peu d’importance à leurs mémoires. L’autre constat fait par le Cameroon people’s party (Cpp), est que les camerounais, même les intellectuels, ne connaissent pas réellement les figures emblématiques de l’histoire de leur pays. Encore moins leurs projets sociaux. « Un jour, j’étais dans une salle de classe où un enseignant d’histoire parlait de Um Nyobé à ses élèves, mais ils les présentaient plutôt le portrait de Nkodock », raconte un nationaliste qui déplore le manque d’appropriation des figures de l’histoire par les enseignants, même ceux sortis de l’école normale.

 

Du 23 au 28 février 2015, le Cpp a célébré « nos héros et héroïnes ». Tous ceux qui ont pris part à ce vibrant hommage aux acteurs du passé ont demandé à réécrire l’histoire du Cameroun avec les combattants encore vivants. Beaucoup en ont aussi profité pour demander le rapatriement des archives de l’histoire du pays éparpillées un peu partout dans le monde. « Nos archives sont entre les mains des anciennes puissances coloniales. Pensez-vous qu’il soit possible d’écrire la vraie histoire du Cameroun sans ces objets ? » A cette préoccupation d’un journaliste émérite, Franck Essi, secrétaire général du Cpp, promet d’y réfléchir et d’entreprendre des actions concrètes dans les prochains jours.

Les camerounais se souviennent toujours du 28 février 2008
Les camerounais se souviennent toujours du 28 février 2008

Didier Ndengue

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Commentaires

Protilab
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Vous avez abordé la question avec lucidité