J.RAVI KUMAR : « Comme l’Inde, le Cameroun peut atteindre son émergence avant 2035 »

Article : J.RAVI KUMAR : « Comme l’Inde, le Cameroun peut atteindre son émergence avant 2035 »
Crédit:
22 novembre 2014

J.RAVI KUMAR : « Comme l’Inde, le Cameroun peut atteindre son émergence avant 2035 »

Récipiendaire de la médaille de l’ordre de la valeur décernée le 20 mai 2013 à l’occasion de la célébration de la 41e fête de l’unité nationale camerounaise, le consul honoraire de l’Inde au Cameroun dit sa gratitude à l’endroit des autorités de son pays d’accueil. Le diplomate en profite pour faire le point de la coopération entre les deux États.

 Bonjour Excellence, merci d’accepter de répondre à nos questions. Pour commencer, pouvez-vous dérouler votre identité à nos lecteurs?

Je suis le consul honoraire de l’Inde au Cameroun et directeur général d’entreprise. Chez nous, il y a un proverbe qui dit que dans chaque grain d’aliment, il est écrit le nom des personnes qui vont le manger. J’étais d’abord en poste en France pour cinq ans avant de venir ici. A cette époque-là, j’étais avec le ministère du commerce de l’Inde pour les relations entre la France, les pays du Maghreb et l’Inde. Après mon poste, je suis rentré en Inde et je travaillais toujours avec le gouvernement. Après, je travaillais avec le secteur privé. Mais mon affection pour les pays francophones m’a poussé à venir au Cameroun, non parce que c’est un pays francophone, c’est un pays bilingue et moi, je suis né anglophone mais j’ai une affinité pour la langue française. Je suis arrivé au Cameroun en 1990. A mes débuts au Cameroun, j’étais directeur général d’une société. On menait des actions dans les produits industriels, au même moment j’étais membre du conseil d’une usine qui fabriquait le câble à Douala. Après on a commencé « Nakira-Kam » qui est ici depuis 1990. Nous sommes dans le secteur industriel, nous faisons des produits consommables mécaniques. Dans le domaine électrique, nous représentons la maison internationale qui s’appelle Aston. Nous sommes dans l’équipement électrique de haute tension et moyenne tension. Nous avons aussi un autre département qui fait dans le domaine de l’aviculture ici au Cameroun.

 A l’occasion de la 41è fête de l’unité nationale camerounaise, vous avez été décerné. Que représente cette médaille à vous épingler sur la poitrine le 20 mai dernier par les autorités de la région du Littoral ?

J’ai été décoré de la médaille du chevalier de l’ordre de la valeur. C’est une reconnaissance de la part du Cameroun pour toutes mes contributions dans ce pays depuis des longues années. J’ai accepté cette distinction avec beaucoup d’humilité et avec beaucoup de joie. J’ai discuté avec mon Haut Commissaire qui est basé au Nigéria, il m’a félicité et m’a dit que c’est une reconnaissance pour mes contributions avec beaucoup d’effort.

Comment jugez-vous la coopération entre l’Inde et le Cameroun ?

Le Cameroun et l’Inde sont deux pays amis depuis plus de cinquante ans. L’Inde est l’un des premiers pays qui a reconnu le Cameroun après l’indépendance. Il y avait toujours un lien entre les deux. Pour commencer, c’était les films indiens que tout le monde appelle « films indous » qui étaient très populaires au Cameroun. Le premier ambassadeur de la culture indienne au Cameroun était le film. Les camerounais aimaient beaucoup nos films. Il y avait même certains qui chantaient « pia pia pia ! » Les premiers grands pas dans les relations Inde-Cameroun étaient dans le cadre de l’installation du Consulat Honoraire de l’Inde à Douala. Ma nomination a été faite par le président de l’Inde en 2007 et j’ai eu mon exéquatur de la part du président Paul Biya en 2009. Avec ça, nous avons eu à installer une antenne diplomatique. Nous avons mené beaucoup d’activités dans le sens de la coopération bilatérale entre nos deux pays. Premièrement, nous avons, à l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance du Cameroun, l’Inde a fait un cadeau qui était sous la forme télé éducation, télémédecine. Un de nos présidents a toujours dit : s’il y a l’éducation et la santé, le reste suit. Donc, nous avons donné la télé éducation avec toutes les infrastructures qui liaient l’Université de Yaoundé1 avec la meilleure école en Inde et les étudiants étaient assis dans une classe virtuelle. Les étudiants de Yaoundé1 suivaient les cours et obtenaient les diplômes de l’Inde. Il y avait des possibilités de poser des questions et de recevoir des réponses. Ça était très bien reçu par le peuple camerounais. Nous avions cinq à six cours avec plus de trois cents étudiants qui ont suivi les cours d’informatique et data management et dans le tourisme. La télémédecine est installée dans le centre hospitalier de l’Université de Yaoundé(CHUY) dans lequel nous avons plusieurs volets. Le premier volet : le malade avec le médecin camerounais peuvent faire une téléconférence directement avec les meilleurs experts disponibles en Inde. Par exemple, s’il y a quelqu’un qui a des problèmes de cœur ici, il y a un moyen de transmettre des données instantanément de l’autre côté et une décision concernant la thérapie peut-être immédiatement prise. Jusqu’à récemment, quand on suspectait qu’une personne a un cancer, on prenait les souches et on les envoyait en Europe, les résultats prenaient plusieurs semaines pour revenir. Imaginez qu’on dise à quelqu’un après quarante cinq jours qu’il n’a pas le cancer alors qu’il était à moitié mort de peur. Nous avons donné un microscope qui est lié à Internet. Avec cette technologie, les techniciens camerounais regardent les souches avec le microscope, ça se lit simultanément par l’expert indien. Les deux peuvent alors décider s’il y a le cancer ou non. C’est un grand pas avec la technologie. L’Inde a fait beaucoup de progrès dans la Technologie de l’information et de la communication ces dernières années. Le deuxième volet dans la télémédecine est la formation continue des docteurs. Ceux de l’Inde partagent leurs expériences avec ceux du Cameroun et vice-versa. S’il y a un médecin qui dit qu’il connait tout, je crois que c’est la mort. Il faut toujours apprendre pour s’améliorer et pour une contribution importante. Pour donner un goût de seconde génération à l’agriculture, nous avons fait un don de 60 tracteurs. Nous avons donné une ligne de crédit de quarante millions de dollars qui fait à peu près dix neuf milliards de francs Cfa pour la fourniture des engins comme tracteurs pour moderniser l’agriculture et aider le Cameroun à s’équiper des éléments de montage d’usine. Donc, il y aura une usine de montage de tracteurs qui sera disponible à la zone industrielle d’Ebolowa. C’était le deuxième pas en agriculture. Plus tard, nous avons vu que le secteur manioc très fort au Cameroun, n’a pas un niveau commercial dans le monde. Ici, on mange le manioc partout, ça se cultive toujours de façon artisanale. Au Cameroun, on ne conserve pas bien le manioc, après deux ou quatre jours ça prend des tâches noires et ça moisit. Nous avons eu une discussion avec le gouvernement sur le secteur du manioc, la production commerciale, la conservation et la valeur ajoutée dans la ligne du manioc. C’est très important. Nous avons aussi donné une autre ligne de crédit avec très bas intérêt et avec un moratoire de paiement sur vingt ans pour vraiment développer le secteur. C’est une ligne de crédit d’à peu près 22 milliards francs Cfa qui font 42 millions de dollars pour développer le secteur manioc. Autre information, l’amidon qui est un produit qui sort du manioc a beaucoup d’utilisation dans le secteur pharmaceutique et dans le secteur alimentaire. En fait, tout ce que le Cameroun peut produire, l’Inde peut acheter. Nous avons parlé de l’agriculture, des TIC. Venons à présent sur la santé. Comme je le disais, nous trouvons la santé comme un facteur très important dans la plupart des pays en voie de développement. Le président Clinton disait à un moment, quand il a visité le Ghana, qu’il était choqué parce que pour chaque job, il y a deux personnes. On ne sait pas quoi va venir de quelle personne et à quel moment. C’était le problème du Sida. Vous vous souvenez, il y a cinq ou dix ans, la thérapie du Sida coûtait à peu près trois cent mille francs CFA par mois. Ce qui n’était pratiquement pas à la portée de plusieurs personnes. Les laboratoires indiens et les pharmacies ont agit très rapidement en fabricant des antirétrovirales dans la forme générique. Les prix ont largement été réduits. En ce moment, l’Inde est l’un des plus grands fournisseurs de remèdes au Cameroun et aussi, j’étais récemment dans un conclave Inde- Afrique, il y avait plusieurs pays africains qui disaient que l’Inde est le premier producteur de médicament pour l’Afrique. Donc dans ce sens, nous sommes entrain de contribuer énormément pour le développement de la santé avec la médicine de qualité à des prix abordables.

Quelles impressions faites-vous du développement du Cameroun et de son émergence à l’horizon 2035 ?

Je pense que le point fort du Cameroun se trouve dans ses ressources humaines. Le peuple camerounais est intelligent, capable et en plus, il y a beaucoup d’entrepreneurs dans ce pays. Le plus grand point de la population camerounaise d’aujourd’hui est la jeunesse. Les gens de moins de trente ans représentent à peu près 70 pour cent de la population. Je suis convaincu que cette population peut travailler pour le bien du Cameroun. Si les jeunes s’y mettent tous, je pense que l’émergence en 2035 est trop loin. Ça pourrait arriver plus tôt parce que vous avez tout ce qu’il faut dans ce pays. Il faut juste travailler sans cesse. Une autre chose que je voulais dire et que je dis toujours : au Cameroun, on regarde vers le gouvernement pour tout et rien. En Inde, c’est quand on a stoppé de dire « le gouvernement doit tout faire », que la jeunesse s’est investie dans les TIC et les industries, nous avons eu nos progrès. Je crois que chaque jeune camerounais devrait penser à être un entrepreneur en contribuant pour le pays au lieu de continuer à regarder le gouvernement. Chacun doit se demander ce qu’il fait pour son pays ou pour lui-même. S’ils parviennent à avoir cette approche, je vois l’émergence du Cameroun plus tôt. Le président Biya a vraiment pensé à un objectif.

Le Cameroun, selon vous, est-il un territoire où il fait bon vivre ?

Franchement dans notre communauté, nous disons que quelqu’un qui a bu l’eau du Cameroun reviendra toujours. Parce que c’est un pays où il fait bon vivre. C’est un pays de paix. Si vous regardez partout dans le monde, il n’y a pas beaucoup de pays de paix. Ici, on traite tout le monde en égalité, les gens sont très amicaux, très ouverts. Je pense que c’est un pays que le monde doit de plus en plus connaitre parce que c’est un pays accueillant, contrairement dans plusieurs pays où des fusils sortent de partout. Ici au Cameroun, c’est toujours la fête avec des bouteilles de champagne qui font des bruits (rire). Il n’y a pas beaucoup de pays dans le monde qui ont cet avantage. Donc, je pense que c’est un très bon pays.

Les investisseurs indiens sont-ils séduits par les ressources de ce pays sous-régional ?

Depuis quelques années, nous sommes entrain d’amener les hommes d’affaires indiens à entrer en contact avec le gouvernement camerounais ainsi qu’avec les hommes d’affaires camerounais. Les récentes offensives étaient pour vendre l’image du Cameroun en Inde. Il y a eu une délégation commerciale dirigée par son excellence le premier ministre Philémon Yang qui était accompagné de plusieurs ministres pour vraiment faire la promotion du Cameroun en Inde. Nous avons fait un conclave entre l’Inde et les pays africains pour discuter des projets. Il y avait une forte participation du Cameroun. On comptait 40 à 50 hommes d’affaires dirigés par la chambre de commerce. Certes, en Inde, l’Afrique n’était pas bien connue il y a plusieurs années. Sauf l’Afrique du Sud, le Nigéria et l’Est de l’Afrique où il y a beaucoup d’indiens. A partir de 1990, le Cameroun était connu comme pays de Roger Milla. Il était connu pour son football. Pendant les dernières années, avec toutes les interactions entreprises dans plusieurs secteurs d’activités, il y a de plus en plus de connaissance des richesses du Cameroun dans les secteurs minier, agricole, et dans plusieurs autres. Cela attire l’intérêt indien. Pour votre information, le projet de la bauxite est un projet de plus de six milliards de dollars US qui peut donner des emplois directs et indirects à des milliers de personnes. Maintenant, le Cameroun comprend que l’Inde est devenue un pays important dans le monde avec la nouvelle géopolitique qui se présente. D’autre part, il y a beaucoup de camerounais qui vont en Inde pour des affaires, l’éducation, les soins médicaux, etc.

Sortons de notre entretien avec les informations de votre communauté de votre ville de commandement. Combien de ressortissants indiens vivent-ils dans cette région du Cameroun et quelles sont leurs principales activités?

On compte plus de 800 indiens au Cameroun. La majorité réside à Douala, à Yaoundé et ils sont aussi dans les autres coins du pays. Leur principale activité c’est le commerce général. Nous avons des sociétés qui ont changé la façon de faire du shopping. La plupart des supermarchés aujourd’hui sont tenus par des indiens. À part ça, les indiens sont dans le secteur de l’industrie. Il y a au moins trois unités qui transforment la ferraille en fer de béton. Avant, les indiens exportaient la ferraille du Cameroun. Tout ce qu’il y avait comme voitures cassées, ils ramassaient avec l’accord de la communauté urbaine et nettoyaient les routes. Maintenant, il y a les fonderies pour la fabrication de fer de béton sur place. Je suis fier de vous dire qu’il y a des sociétés indiennes qui veulent venir fabriquer des médicaments ici au Cameroun. En ce moment, il y a aussi des sociétés qui fabriquent des alcools dans le secteur alimentaire. Le plus grand exportateur du café et du cacao du Cameroun est une société indienne, nous sommes dans

Le consul et une famille indienne
Le consul et une famille indienne

plusieurs secteurs d’activités. Il y a beaucoup d’indiens qui sont nés ici, il y en a qui vivent ici depuis plus de quarante à cinquante ans. Ils ont fait du Cameroun leur deuxième nation.

Propos recueillis par Didier Ndengue

Étiquettes
Partagez

Commentaires