Carte postale : Douala otage des matières fécales

Article : Carte postale : Douala otage des matières fécales
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15 octobre 2014

Carte postale : Douala otage des matières fécales

Les drains et caniveaux de la cité économique sont de vrais gouffres de déchets qui exposent les populations au choléra, au paludisme…

Scène courante dans les rues de la ville de Douala. Sous une forte pluie ce lundi 11 août, une bande d’enfants dont la tranche d’âge varie entre 3 et 8 ans, reviennent tout joyeux des cours de vacances organisés à l’école anglophone « Government Bilingual Primary School » basée à Bonapriso, dans le deuxième arrondissement.Comme à l’accoutumée depuis le retour des pluies, ils plongent leurs pieds dans le courant d’eau débordant des rigoles. La pression d’eau est forte et les tout-petits ne semblent pas s’en rendre compte.

Là où ils s’amusent à puiser l’eau des pluies avec leurs mains et à s’asperger les uns les autres, se trouve un large trou ouvert. L’une des fillettes du groupe tente de mesurer sa profondeur à l’aide de sa jambe gauche. Fort heureusement, une jeune femme assise sur un banc public à l’entrée de l’école décide de l’interrompre dans son élan en tonnant d’une voix forte : « Hé, sortez vite de là ». Sans succès. Comme des sourds, les enfants n’obéissent pas. Mais la jeune femme ne lâche pas prise. Elle insiste : « Je vous ai demandé de sortir de ces eaux ». Le message est passé. Les gamins courent dans tous les sens.

Le courant d’eau peut librement circuler jusqu’à se déverser dans le grand drain mal en point, basé au niveau de l’ancien collège des nations, vers la rue des pavés. Ici, la dégradation se voit à l’œil nu. Les maisons construites au bord de ce passage d’eau, au niveau de la chefferie de Bonapriso y vidangent tous leurs déchets, y compris ceux des WC. Les tuyaux d’évacuation et quelques morceaux de selles y sont perceptibles à tout moment. A chaque saison des pluies, comme c’est le cas actuellement dans la capitale économique, les eaux stagnent ici, les populations et les enfants s’y baignent régulièrement. Les maisons sont inondées.

La circulation des véhicules n’est pas possible sur cette voie qui relie les quartiers New-Bell et Bonapriso. Depuis plusieurs années, le gouvernement tente en vain de trouver une solution à ce problème. La dernière, un immeuble r+8 a été présenté comme la véritable cause des inondations au quartier Bonapriso. Après concertations entre le propriétaire de l’immeuble et le délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine de Douala (Cud) Fritz Ntonè Ntonè, ledit obstacle, qui aurait été construit sur le trajet fluvial de Douala, a été démoli à l’aide des explosifs par le génie militaire.

Seulement, quelques jours après la démolition de cet immeuble, plusieurs interrogations collent aux lèvres de certains riverains. « Vu que cet immeuble était entouré de plusieurs maisons et autres grands immeubles, que va faire le gouvernement pour les autres pour faire passer l’eau? Est-ce qu’il va aussi détruire toutes les maisons des lieux? » s’interroge-t-on à Bonapriso.

Pollution de l’environnement

Tous les caniveaux de la ville de Douala sont bouchés par des déchets, sans exception de quartier. Même le quartier administratif Bonanjo y passe. La présence régulière des eaux pendant les pluies tout autour des services du gouverneur de la région du littoral en est une preuve. Dans les quartiers mal famés, les victimes des inondations se battent avec les eaux souillées. Pelle à la main ce 15 août, Maman Judith tente de redéfinir un passage aux eaux qui stagnent devant sa porte. « Je veux qu’elle coule, parce que quand elle reste là, je me sens mal à l’aise », lance la vieille dame. A en croire cette dernière, le coin pue à chaque inondation. De l’autre côté, c’est une autre femme qui marche en esquivant l’eau qui stagne. « Il y a une fosse septique là-bas que le gouvernement ne voit pas. Elle est construite en pleine route et les enfants jouent sans cesse tout autour. J’ai peur qu’ils y tombent », s’inquiète cette autre riveraine qui craint le pire. La fosse, située vers le « Petit marché » de Ngangué, alimente les inquiétudes.

Le chef des services d’hygiènes et salubrités de la mairie de Douala 2e apprend à ce propos que son département est sur le terrain et veille aux grains. Une voisine de la fosse septique confirme : « J’ai souvent vu les agents de la communauté venir là-bas à cause de cette fosse, mais cela n’a jamais abouti puisque la fosse est encore là et vous-même vous le constatez »

De l’intérieur, le marché central de Douala brille de mille feux. Mais les drains et caniveaux environnants mettent un bémol à l’ambiance. Le grand bluff des autorités de la contrée. Une esquisse de pont du camp Bertaud, qui lorgne jusqu’au camp Yabassi, remet l’hygiène en cause dans cet arrondissement. Pincer le nez à cet endroit est obligatoire pour celui qui traverse les lieux. Souleymane, le réparateur des ceintures y a trouvé un bon endroit pour son business. Il est basé sur le pont. A sa droite se trouve un bac à ordures à moitié vide, alors que les ordures inondent le sol. « Les gens d’ici sont très sales, ils urinent, font caca et jettent les ordures partout et pourtant, il y a un bac à ordures », s’indigne Souleymane. Derrière lui s’ouvre un grand ravin recouvert d’herbes et de bouteilles d’eau minérale vides. Ses substances non biodégradables, d’un nombre incalculable, ne bougent pas d’un seul trait, même pendant les fortes inondations que connaît la zone ces derniers jours.

Bonjour choléra, paludisme…

Les eaux des pluies (qui circulent à travers les drains, caniveaux et autres rigoles) sont forcement utilisées ailleurs dans le cadre des travaux domestiques. Elles servent même de boisson à certaines personnes à travers des forages, puits, etc. Leur utilisation n’est pas sans conséquences. « Cette eau peut causer le choléra, des infections cutanées et peut aussi favoriser la multiplication des anophèles femelles qui engendrent le paludisme », indique un membre du personnel médical du centre de santé de Bonapriso groupe 2 ». Profitant des inondations, certains propriétaires des maisons ouvrent leurs fosses septiques pour laisser évacuer les déchets.

Carte postale : Douala otage des matières fécales
Des poubelles en vogue
Une ville bouchée par des ordures
Au coeur de la poubelle

« Avant, quand j’étais petite, les services d’hygiène passaient régulièrement vérifier nos toilettes. Ils montraient l’attitude à tenir à mes parents et rappelaient que la fosse septique allait être bientôt pleine et qu’il fallait prendre rendez-vous avec un vidangeur. Aujourd’hui, chacun fait ce qu’il veut et pourrit l’environnement », renchérit notre interlocuteur du centre médical. Face à leurs responsabilités, les pollueurs ne savent que dire : « On va faire comment ? »

Didier Ndengue

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Commentaires

xitio.fr/
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Des conseils à appliquer !

Didier Ndengue
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Bonjour,
Merci pour l'intérêt que vous portez à mon billet.
J'espère moi-aussi que les conseils seront mis en pratique.

Bonne journée sur mon Mondoblog